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Analyses

Territoire francilien : mutations institutionnelles et perspectives d’évolution

Résultat d’une série de réformes récentes, l’organisation territoriale actuelle de l’Île-de-France ne constitue a priori qu’une étape transitoire. Un dispositif trop complexe, des acteurs trop nombreux : des arbitrages sont attendus pour définir à court terme un système de gouvernance régional durable. CITY LINKED s’est penché sur les trois scenarii les plus probables.

Intercommunalité : le sens de l’histoire ?

Depuis 2010, l’organisation territoriale d’Île-de-France connaît de profonds bouleversements. En 2014, la loi Maptam a entériné la création de la Métropole du Grand Paris (MGP). Elle a aussi prévu, au travers du Schéma Régional de Coopération Intercommunale (SRCI), le regroupement des intercommunalités franciliennes en entités d’au moins 200 000 habitants, ce qui a fait passer leur nombre de 113 à 65. Comment expliquer cette promotion de l’intercommunalité ?

La recherche d’une taille critique vise d’abord une action publique plus efficace. En mutualisant leurs ressources, les communes peuvent proposer des services de meilleure qualité à moindre coût. Quant aux communes de petite taille, elles bénéficient avec le niveau intercommunal de moyens techniques et financiers plus importants pour mener à bien certains projets complexes.

La redistribution des richesses à l’échelle intercommunale, via des systèmes de solidarité ou de péréquation est, par ailleurs, la garantie d’une plus grande équité. Elle permet de corriger les inégalités entre communes favorisées et moins favorisées – dans le cas de la MGP, entre l’ouest qui concentre les ressources et l’est les besoins.

Enfin, en encourageant les regroupements intercommunaux, le législateur a vraisemblablement cherché à déconnecter certaines décisions peu populaires des enjeux électoraux communaux. En Île-de-France par exemple, la nécessité de produire davantage de logements ne fait pas débat. Pourtant, rares sont les élus – les maires – à promouvoir cette production résidentielle sur leur commune en raison, notamment, des réticences de leurs administrés à la densification de leur ville, de leur quartier. La mise en œuvre d’une vision globale, au service de l’intérêt général, est donc plus aisée au niveau intercommunal, pour lequel le suffrage universel direct n’existe pas.

Les évolutions de cette dernière décennie, qui se sont inscrites dans un contexte de très fortes tensions politiques, ont néanmoins un goût d’inachevé. La création de la MGP s’est traduite par l’ajout d’une nouvelle couche administrative dans le fameux « mille-feuille » territorial dénoncé par les élus de tous bords. De nombreuses interrogations subsistent en outre quant à la cohérence des ensembles territoriaux qu’elle a fait émerger et, plus largement, au modèle institutionnel le plus adapté pour renforcer l’efficacité des politiques publiques d’Île-de-France.

3 scénarii pour l’Île-de-France

En attendant la déclaration d’Emmanuel Macron, qui devrait trancher rapidement sur le sujet en lançant une nouvelle série de réformes, les spéculations vont bon train. CITY Linked s’est attaché à construire une vision d’ensemble des scenarii envisageables. L’enjeu : comprendre les conséquences possibles en termes de périmètres administratifs et de gouvernance.

1. Scénario n°1 : une MGP renforcée et élargie à Roissy et Saclay

S’inscrivant dans la même philosophie que la loi Maptam, ce premier scénario intègre à la MGP les deux attracteurs économiques franciliens que sont l’aéroport de Roissy et le Plateau de Saclay. Il aboutit à une métropole largement renforcée dans ses compétences, dotée des moyens financiers de ses ambitions. La MGP devient ainsi le maillon fort des institutions franciliennes.

Dans ce scénario, les 12 établissements Publics Territoriaux (EPT) perdent leur personnalité juridique et deviennent de simples territoires d’application des politiques fixées par la MGP, autrement dit des « arrondissements » métropolitains. La Région conserve son statut actuel tandis que les départements de petite couronne sont supprimés.

Ce scénario aurait, certes, le bénéfice de renforcer le statut de ville-monde de la capitale et de lui donner les meilleures armes pour se défendre dans la compétition internationale des grandes métropoles. Le risque, avec cette option, serait néanmoins d’aboutir à une région capitale à deux vitesses, dotée d’un cœur très puissant d’une part et de territoires périurbains et ruraux déconnectés de la logique d’attractivité métropolitaine de l’autre. Cet effet de « frontière » soulève de nombreuses questions.

2. Scénario n°2 : une MGP fédérée à l’échelle de l’aire urbaine

 

Dans ce second scénario, le futur territoire de la MGP vient épouser les limites de l’aire urbaine, en intégrant les villes nouvelles ainsi que les gares TGV et les aéroports franciliens. Cette option ne manque pas de cohérence, le périmètre institutionnel de la métropole venant épouser sa réalité géographique.

Suivant ce schéma, ce sont les intercommunalités, Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) et Établissements Publics Territoriaux (EPT), qui deviennent les maillons forts du territoire. Les EPT disposent de l’autonomie fiscale qui leur fait actuellement défaut. La MGP, de son côté, voit ses pouvoirs largement réduits. Elle assure des fonctions coordination mais n’est plus à l’origine de la vision stratégique en Île-de-France. Les départements sont a priori maintenus dans leur existence et leurs compétences.

L’autonomie financière conférée aux intercommunalités devrait permettre de formuler des politiques publiques répondant au plus près aux besoins des territoires. En outre, le périmètre envisagé correspond peu ou prou à la réalité de la métropole telle qu’elle est vécue par les habitants, ce qui permettra de lui conférer une identité forte. Toutefois, la différenciation entre zone dense et zone non dense risque d’amplifier l’effet de frontière et de pérenniser un développement à deux vitesses.

3. Scénario n°3 : une région métropolitaine

Dernière hypothèse envisagée, celle de l’extension du territoire de la MGP à celui de la Région Île-de-France. Ce qui reviendrait finalement à renforcer les compétences de la Région et à faire disparaitre la Métropole. La disparition de la MGP serait alors compensée par l’évolution du mode de gouvernance de la Région, en allant vers un mode de représentativité plus fort des territoires.

La création d’une instance unique a un avantage : les stratégies globales de péréquation permettent à tous les territoires de bénéficier des mêmes traitements. Avec ce scénario, sans doute le plus inclusif, tous les territoires sont embarqués dans l’aventure métropolitaine. Sans compter que l’échelle régionale est vraisemblablement la plus pertinente pour répondre à certains enjeux stratégiques tels que le logement ou la mobilité.

Deux variantes peuvent être envisagées pour ce scénario. Première option, les 8 départements franciliens sont supprimés et les intercommunalités gagnent en compétences – notamment les EPT, désormais dotés d’une fiscalité propre. Seconde option, les EPT disparaissent au profit des départements de petite couronne. Ces derniers, sur le modèle de la Ville de Paris, deviennent des collectivités à statut particulier, avec des compétences renforcées en aménagement, habitat, développement économique, etc.

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Parce que chacun de ces scenarii présente des forces et des limites, le choix est complexe. Il est aussi hautement politique, puisqu’un arbitrage fera nécessairement émerger des gagnants et des perdants parmi les échelons institutionnels existants. Toutefois, celui-ci devient urgent. L’incertitude sur le devenir de l’architecture institutionnelle francilienne génère un attentisme fort au sein des collectivités concernées. Ceci est particulièrement vrai pour la MGP et les EPT qui, créés depuis peu, ont beaucoup à construire pour « faire territoire ».

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