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La tribune de Sybil Cosnard

Montée en puissance du privé dans la construction urbaine : Quelle marge de manœuvre pour les villes ?

La profusion actuelle de grands projets d’aménagement métropolitains s’accompagne d’une significative montée en puissance des acteurs et des financements privés. Comment, dans ce contexte, les villes peuvent-elles garder la main sur le développement de leur territoire ?

Île-de-France : un aménagement urbain en pleine mutation

Plusieurs grands projets d’aménagement vont transformer en profondeur l’Île-de-France dans les années à venir : le Grand Paris Express tout d’abord, colonne vertébrale du futur développement francilien, qui prévoit la création de 68 nouvelles gares ; les opérations et contrats d’intérêt national ensuite, à travers lesquelles l’Etat cible une vingtaine de secteurs prioritaires ; les Jeux Olympiques de 2024 enfin, grand projet à la fois emblématique et structurant en termes d’investissements.

Dans le même temps, la capacité d’action des communes se réduit de manière significative. D’un côté, elles ont vu leurs dotations baisser continûment depuis 10 ans et de nouveaux efforts financiers leur sont régulièrement demandés. De l’autre, elles subissent un transfert de leurs compétences-clés, PLU et Aménagement étant désormais des prérogatives intercommunales.

Dans ce contexte, l’aménagement de la ville évolue fortement et l’on assiste à une montée en puissance du secteur privé. De nouvelles méthodes émergent, avec le déclin des traditionnelles ZAC au profit des AMI, des Appels à Projets et du Gré à Gré entre propriétaires privés et opérateurs. De nouveaux outils apparaissent également, dans l’objectif de décloisonner les relations entre public et privé et de favoriser ainsi la négociation au sein des projets : la SEMOP, le PUP, les Réinventer Paris et leurs déclinaisons métropolitaines. Enfin, de nouveaux acteurs « super aménageurs », issus de mouvements de fusion, ont vu le jour ces dernières années, alors que les promoteurs immobiliers de taille importante se dotaient de leur côté de directions Grands Projets pour développer des « morceaux de ville ».

Cette montée en puissance de l’action privée en matière d’aménagement peut légitimement inquiéter les villes. Toutefois, les interventions privées doivent répondre au cadre fixé par la planification urbaine (SDRIF, SCOT métropolitain, PLUi…) qui, elle, est maîtrisée par la puissance publique. En outre, un encadrement rigoureux des projets est également une garantie pour garder la main sur le développement de sa commune.

Trois leviers pour maîtriser les initiatives privées

Les projets privés peuvent générer des opportunités intéressantes pour les villes à condition qu’ils répondent à un certain nombre d’exigences.

Le respect de l’ancrage territorial tout d’abord. Les villes doivent en effet veiller à ce que les projets privés soient cohérents avec le contexte local. Ces nouveaux acteurs dans l’aménagement des villes ont encore trop souvent tendance à négliger l’inscription des projets dans leur environnement. Pourtant, ceux-ci sont en général d’une taille conséquente et ont des impacts forts sur le devenir d’une ville, que ce soit en termes de d’équipements, d’infrastructures ou de cadre de vie. Le PLU, sur lequel les collectivités peuvent s’appuyer pour préserver la cohérence de leur territoire, n’est pas toujours suffisant. Il ne représente un outil performant qu’à la condition qu’il soit à jour et qu’il traduise effectivement les objectifs stratégiques des élus. Il existe par ailleurs d’autres outils, plus souples et moins contraints par la dimension réglementaire, qui permettent de fixer un cap pour le développement de la ville. Les communes ont donc tout intérêt à s’appuyer sur une ingénierie interne ou externe pour mettre en place leur stratégie de développement et cadrer le travail de ces acteurs privés.

La faisabilité opérationnelle des projets ensuite. Les appels à projets sont un formidable laboratoire d’expérimentation pour la construction urbaine. Mais les villes doivent rester attentives au déploiement des projets qu’elles permettent. Sur le volet programmatique, la tendance est à la promotion de l’innovation : il faut veiller à ce que les propositions n’obéissent pas à une simple injonction marketing et à ce que leur traduction opérationnelle soit viable. Autre point de vigilance pour les élus : les acteurs privés sont parfois amenés à demander plus de densité pour conserver l’ambition initiale de leur projet. De manière générale, les collectivités doivent donc être extrêmement impliquées dès le lancement du projet, l’opérateur ayant la main sur le financement du projet et donc sur sa qualité finale.

L’acceptabilité des projets par la population locale enfin. Dans ces nouveaux projets portés par le privé, on continue malheureusement à se saisir trop tard du sujet de la concertation. Placer les usagers au cœur de la conception de leur ville, via la mise en œuvre de méthodes inclusives de concertation dès l’amont, se révèle toujours une stratégie gagnante : elle garantit l’appropriation des projets et donc leur pérennité sur le long terme. Il revient aux collectivités et aux acteurs privés de piloter ensemble ces processus de concertation. N’oublions pas qu’avec les millions de mètres carrés de constructions nouvelles qui vont sortir de terre en Île-de-France dans les années à venir, l’enjeu est considérable.

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Pour que la volonté politique et l’intérêt public demeurent les forces motrices des projets d’aménagement, un encadrement rigoureux des opérations privées est indispensable. L’objectif est de mettre en place un partenariat et des échanges fructueux avec les acteurs privés de l’aménagement, basé sur la connaissance des contraintes et des atouts du territoire dans lequel le projet s’inscrit. Les villes ont tout intérêt à se doter d’une vision globale qui doit présider à leur développement. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir où en sont sur ces sujets les communes qui abritent les sites lauréats de la première édition d’IMPG.

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